La petite fille qui aimait trop les allumettes de Gaétan Soucy
"Nous avons dû prendre l'univers en main, mon frère et moi car un matin un peu avant l'aube papa rendit l'âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l'écorce, ses décrets si subitement sombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l'étage où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c'était notre mortier. Sans papa, nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-même hésiter, exister, avoir peur, souffrir".
On m'avait prévenue que c'était une roman "original"... Volontairement, je n'avais absolument rien lu sur ce livre, pas même la 4e de couverture, rien. En voyant le titre et la couverture, je m'attendais à un genre de polar... mais pas à ce que j'ai lu, en tout cas!!
On ne peut pas trop en dire sur ce court roman. Sachez simplement que deux adolescents vivent sous la coupe tyrannique de leur riche père, qui ne leur a offert ni éducation, ni occasion de découvrir autre chose que les quatre murs de leur maison et le jardin. Leur vie consiste à appliquer les ordres donnés, et parfois à jouer les "secrératiens". C'est le rôle que décide de prendre un de ces deux jeunes gens lorsque leur père meurt soudainement.
Coupés de tout, ignorants de tout, on découvre peu à peu toute l'horreur de leur vie, racontée pourtant de façon banale puisqu'il s'agit de la seule vie qu'ils aient jamais connue, sans la remettre vraiment en cause. C'est ce décalage qui est glaçant.
Bien que ce qui déroute se situe avant tout dans l'histoire, le style n'est pas en reste, puisque, comme je le disais, ces deux ados n'ont reçu aucune éducation. C'est donc avec un langage étrange, souvent cru, toujours étonnant, parfois truffé de références classiques, que s'exprime notre secrétarien.
Bien qu'il n'ait quand même pas atteint le même degré d'atrocité à mon sens, ce roman m'a mise presque aussi mal à l'aise que Les noces barbares de Yann Queffélec, et ce n'est pas peu dire. Je ne regrette pas de l'avoir lu, parce qu'effectivement il est... comment dire... unique?, mais je ne peux pas dire que j'ai aimé.
Billet qui aurait dû être publié pour l'opération Québec en septembre...