Mon passé eskimo de Georg Quppersimaan
Le récit autobiographique de Georg Quppersimaan, né en 1889 au Groenland de l'Est, plonge le lecteur au cœur même de la philosophie eskimo originelle.
C'est l'histoire d'un enfant unique qui perd son père très jeune et qui construit autour de lui les «fortifications» qui lui permettront de survivre dans une société impitoyable à l'égard des orphelins. On y suit non seulement son apprentissage du métier de chasseur de phoques, mais aussi le commencement d'une initiation au monde étrange des chamanes, médiateurs entre les mortels et les esprits. On l'y voit aussi confronté à plusieurs reprises au tupilak, cet être composite créé par les sorciers malfaisants.
Ce livre est l'histoire authentique et spontanée faite par Georg Quppersimaan au révérend Otto Sandgreen, au tout début des années 1960, de son enfance et de son adolescence extrêmement difficiles.
Je m’intéresse à la culture inuk en ce moment !
Cette autobiographie est fort intéressante. On y apprend beaucoup sur la vie quotidienne des Inuits avant leurs contacts réguliers avec les missionnaires occidentaux. On suit les malheurs du narrateur (famine, maltraitance) et on s’y attache.
Ce qui rend le livre particulièrement intéressant à mon sens est l’expérience chamane du narrateur : son premier contact avec le surnaturel lorsqu’il parvient, enfant, à ressusciter un oisillon, puis sa rencontre avec les esprits auxiliaires, sa lutte contre certains « tupilaks » (sortes de Golems locaux).
Un regret cependant : Georg Quppersimaan livre son récit à la fin de sa vie et peut donc comparer l’avant/après christianisation. Etait-il influencé du fait qu’il a pour interlocuteur un pasteur ? Toujours est-il que reviennent souvent les phrases « quand je ne connaissais pas encore Dieu » ou « machin est mort sans avoir été baptisé ». Le livre s’achève sur cette phrase : « combien nous sommes reconnaissants d’être en mesure de constater que notre ignorance de Dieu n’est plus qu’un rêve, que ce n’est plus la réalité ».
Je n’ai rien contre la foi chrétienne (je la partage d’ailleurs) mais je trouve dommage que ce vieil homme rejette tout ce qui avait fait sa vie et la culture de son peuple auparavant. J’ai l’impression qu’il pense en termes de « bon » et « mauvais » et non pas en termes de « différents ».