Oliver Twist de Charles Dickens

On n'oubliera guère, après les avoir croisés, ni l'abominable Bumble ni le ténébreux Fagin, cette saisissante préfiguration des gibiers de bagne qui hanteront Les Misérables de Victor Hugo. Créations de l'imaginaire ? Ombres portées des terreurs et des cauchemars de l'enfance ? Peut-être. Toujours est-il que les contemporains y virent le reflet de la réalité.
"Il n'y a pas tant de différence entre ce noir tableau de l'enfance et le tableau de l'usine par Karl Marx", remarque d'ailleurs le philosophe Alain. Il faut s'en souvenir à chaque page en découvrant Les Aventures d'Oliver Twist.
Que voilà une histoire triste, sordide, cruelle... mais racontée si drôlement! J'ai vraiment été surprise de trouver dans ce roman un style parfois ironique, franchement mordant.
Un petit extrait pour illustrer : Oliver se trouve encore dans cet atroce orphelinat et a été puni.
"Que les ennemis du "système" n'aillent pas supposer que, durant la période de son incarcération solitaire, on refusa à Oliver les bienfaits de l'exercice, les plaisirs de la société, ni les réconforts de la religion. Pour ce qui est de l'exercice, il faisait un beau temps froid, et on lui permettait de faire tous les matins ses ablutions sous la pompe, dans une cour pavée, en présence de M. Bumble qui le préservait d'attraper un rhume et provoquait dans tout son corps une sensation réconfortante de picotement par l'administration répétée de coups de canne. En ce qui concerne la société, on le menait tous les deux jours dans la salle où dinaient les garçons et, là, on le fustigeait en société à titre d'exeple et d'avertissement publics. Enfin, loin de lui refuser les consolants bienfaits de la religion, chaque soir, à l'heure de la prière, on le faisait pénétrer à coups de pied dans le même local où on lui permettait d'écouter, pour son réconfort spirituel, une supplication en commun des pensionnaires, contenant une clause spéciale introduite par ordre du conseil et dans laquelle ils demandaient en grâce de devenir bons, vertueux, satisfaits et obéissants et d'être préservés des péchés et des vices d'Oliver".
On a là ce qui selon moi est une trame "typique dix-neuvième" : des orphelins aux origines toujours plus nobles qu'on le suppose, de jeunes personnes ultrasensibles au bord de l'agonie du jour au lendemain... Classique, c'est le mot, et ça me plaît!
Quelques mots sur les personnages maintenant. Oliver... mais qu'il est niais ce gamin! Pardon, hein, il est bien mignon, mais c'est pas Dieu possible d'être aussi naïf. On le vilipende sans répit depuis sa naissance et il continue à toujours voir le monde comme un bel épisode des Bisounours. Mais où a-t-il pu bien se forger un esprit à la fois si pur et si bécasson? Il est à la fois touchant et horripilant.
Les personnages secondaires sont plutôt intéressants aussi (parce que oui, Oliver est un personnage intéressant! C'est trop pour que Dickens ne l'ait pas fait juste pour nous agacer). Je pense à Nancy, qui est touchante, et surtout à M. Bumble, tordant mélange de suffisance et de couardise.
Quant à la langue, j'admire ceux qui ont pu la découvrir en VO parce que l'argot semble tenir une place importante!
Finalement, j'ai découvert un roman pas si noir que ça, avec une belle histoire classique et un style mordant qui m'a conquise! Mais que n'ai-je lu Dickens avant??
Les avis de : Ankya, Erzébeth, Isil, Madame Charlotte, Pimprenelle, Zaph.