Les dieux ont soif d'Anatole France
A côté du fanatique révolutionnaire Evariste Gamelin, les hommes et les femmes des Dieux ont soif, entraînés par le mécanisme tragique d'un pouvoir épris d'absolu et altéré de sang, nous sont décrits, au cœur d'une situation d'urgence, avec leurs soucis et leurs plaisirs quotidiens. Mais les responsables de la Terreur, menant le pays par des idées abstraites, sont décidés à faire le bonheur des hommes malgré les hommes.
Où l'on ne cesse d'être surpris...
Je m'attendais à lire un vieux machin poussiéreux, suranné, voire rébarbatif, à l'image de mon exemplaire jauni, vieilli, écrit en tout petit et qui ne fait pas envie. Heureusement que ce pauvre Anatole a eu le prix Nobel, sinon je ne serais peut-être jamais allée au-delà de ces vilains a prioris!
Et j'aurais eu bien tort, parce que Les dieux ont soif est un roman d'une puissance incroyable. La période est celle de la Terreur et le climat est donc à la suspicion et à l'inquiétude permanente. Evariste, lui, est un idéaliste, persuadé d'être dans le vrai, qui ne rêve que de justice absolue et de paix éternelle.
On voit cet homme plutôt banal, qui vit son amourette avec la jeune Elodie, qui s'occupe de sa mère, bref, qui semble être un homme fait de chair et de sang, basculer progressivement dans l'horreur. C'est la chute d'un homme vers le monstre inconscient de l'être. C'est de ce paradoxe que naît la force du roman.
On saisit avec effroi, de façon presque palpable, comme de grands idéaux, les plus beaux idéaux, peuvent mener à la barbarie. C'est un roman édifiant qui éclaire bien des périodes de l'Histoire.