Le pain nu de Mohamed Choukri
Dans les années 40, le père du petit Mohamed déserte la légion et occupe ses journées à regarder le temps passer et à boire. Sa femme travaille toute la sainte journée pour rapporter de quoi manger, mais la famine les ronge. Le père frappe la mère, et Mohamed déteste celui qui n’est pour lui rien de plus qu’un géniteur.
Un soir, la faim est si forte que le petit Abdelkader ne peut plus calmer sa souffrance ; il hurle, pleure, et le père ne supporte pas d’entendre ses cris. Cette fois, sa colère va plus loin et il assassine son deuxième fils.
La haine de Mohamed pour son père n’aura plus de bornes. Il grandit entre ce monstre, sa mère impuissante et ses frères et sœurs qui naîtront les années suivantes. A l’âge de dix ou onze ans, on l’envoie dans une autre ville pour qu’il commence à travailler et puisse rapporter un véritable salaire à son père, toujours aussi oisif. Rapidement, Mohamed se rebelle et vit de ci de là, survit, dans la pauvreté, la violence, les dérives sexuelles et la drogue.
Ce court roman, premier des trois tomes de l’autobiographie de l’auteur, est un récit d’apprentissage considéré comme une œuvre phare de la littérature arabe. Il a longtemps été censuré au Maroc pour sa violence et ses passages sexuels. Mohamed Choukri raconte sa vie sans fard et sans en cacher les moments difficiles.
Rifain, il apprend l’arabe à l’adolescence ; c’est à l’âge de vingt qu’il apprend à lire et à écrire. Ce parcours atypique m’a vivement intéressée et j’aimerais maintenant lire la suite de son autobiographie, pour découvrir comment ce petit garçon de la rue est finalement devenu un grand écrivain.
Les lecteurs français ont de la chance : c’est Tahar Ben Jelloun qui a traduit Le pain nu.
C’est un roman fort, cru par la misère qu’il raconte à chaque page, mais un témoignage à lire pour connaître le Maroc d’après guerre. Et, comme je l’ai lu sous la plume d’un autre cyberlecteur, « lisez ce livre et comprenez que le verbe sauve ».
Billet déjà publié sur le Biblioblog.