La délicatesse de David Foenkinos
« François pensa : si elle commande un déca, je me lève et je m’en vais. C’est la boisson la moins conviviale qui soit. Un thé, ce n’est guère mieux. On sent qu’on va passer des dimanches après-midi à regarder la télévision. Ou pire : chez les beaux-parents. Finalement, il se dit qu’un jus, ça serait bien. Oui, un jus, c’est sympathique. C’est convivial et pas trop agressif. On sent la fille douce et équilibrée. Mais quel jus ? Mieux vaut esquiver les grands classiques : évitons la pomme ou l’orange, trop vu. Il faut être un tout petit peu original, sans être toutefois excentrique. La papaye ou la goyave, ça fait peur. Le jus d’abricot, c’est parfait. Si elle choisit ça, je l’épouse…
- Je vais prendre un jus… Un jus d’abricot, je crois, répondit Nathalie. Il la regarda comme si elle était une effraction de la réalité ».
Nathalie rencontre François par hasard, dans la rue, et c'est le début d'un bel amour... jusqu'au terrible accident qui cause la mort de François. Commence alors pour Nathalie la si douloureuse période du deuil, où on n'a plus goût à rien, surtout pas à la séduction. Mais Nathalie est belle et attirante, sans compter un certain dossier 114. Oui, je sais, c'est obscur, c'est abscons, mais je ne vous en dirai pas plus (et si vraiment vous tenez à découvrir de quoi il en retourne, la plupart des billets cités à la fin de celui-ci vous éclaireront)!
Tout d'abord, j'ai failli me fâcher : voici que David Foenkinos remet ça, avec son obsession de la Suisse! Première phrase du roman : "Nathalie était plutôt discrète (une sorte de féminité suisse)".
Mais assez rapidement, je suis tombée sous le charme. Celui de Nathalie, d'abord, qui sait comment vivre des moments heureux : "Le dimanche, elle aimait lire, allongée sur le canapé, tentant d'alterner les pages et les rêves quand la somnolence l'emportait sur la fiction. Elle s'installait une couverture sur les jambes, et que dire d'autre : ah oui, elle aimait préparer une théière qu'elle buvait en plusieurs tasses, par petites gorgées, comme si le thé était une source infinie".
Celui de l'humour de l'auteur, ensuite, cet humour si particulier, qui m'avait déjà séduite dans Le potentiel érotique de ma femme. David Foenkinos a l'art de la comparaison inattendue, de la vérité qu'on n'aurait pas pensé à formuler... Sa vision de la moquette : "La moquette, c'est le meurtre de la sensualité. Mais qui avait bien pu inventer la moquette?". Ou encore, variations autour d'une étrange expression : "Il voulait se mettre sur son 31. Ce nombre même était trop petit pour elle. Il aurait voulu se mettre au moins sur son 47, ou sur son 112, ou alors son 387". Cette petite folie, c'est ça qui me plaît.
Enfin, il y a un autre personnage qui m'a séduite, que je n'ai pas encore évoqué parce qu'il fait une apparition plutôt tardive dans le roman. Un personnage intéressant, touchant, qu'on aurait vraiment envie de connaître.
J'avais bien aimé découvrir l'auteur avec Le potentiel érotique de ma femme, mais il m'avait manqué un petit quelque chose, un réel intérêt pour l'histoire... Ici, le style n'est pas seul, et l'histoire que l'on découvre est belle! Le titre est particulièrement bien trouvé et adéquat.
J'ai passé un excellent moment en compagnie de ce roman. Je me pose deux questions : la première est au sujet d'un certain auteur russe dont je voudrais bien connaître l'identité ; la seconde porte sur la fin... Pour ceux qui l'ont lu, je serais curieuse de savoir ce que vous en pensez.
Un grand merci à Lise et aux éditions Gallimard.
Les avis d'Amanda, Brize, Canel, Caro, Caroline, Cryssilda, Doriane, Elfique, Fashion, Gambadou, Hydromielle, Karine, Mirontaine, Miss Alfie, Pimpi, Restling, Stephie, Sylire.