Claude Gueux de Victor Hugo
" ...Un homme nommé Claude Gueux, pauvre ouvrier, vivait à Paris en 1831. Il avait avec lui une fille qui était sa maîtresse et un enfant de cette fille... Il était capable, habile, intelligent, fort mal traité par l'éducation, fort bien traité par la nature, ne sachant pas lire mais sachant penser. Un hiver, l'ouvrage manqua. L'homme, la fille et l'enfant eurent froid et faim. L'homme vola. Il en résulta trois jours de pain et de feu pour la femme et pour l'enfant et cinq ans de prison pour l'homme. Il fut envoyé faire son temps à la Maison Centrale de Clairvaux. On va voir ce que la Société en a fait. "
Relation allégorique d'un drame individuel, cet ardent plaidoyer contre la peine de mort et contre la prison met à nu le mécanisme de la brutalité sociale qui ne sait répondre à la détresse que par la répression.
A partir d'un réel "fait divers" (quelle atroce formulation pour une histoire aussi grave, soit dit entre parenthèses), Victor Hugo mène, comme l'indique cette 4e de couverture, un vibrant plaidoyer contre la peine de mort. Claude Gueux a volé, mais c'est lui la victime, c'est son histoire qui ne peut que nous émouvoir et nous faire réfléchir. Aurait-il volé si la société était différente? Si elle ne laissait pas les gens mourir de faim, de froid? Si le système judiciaire était mieux fait? Si l'on éduquait plutôt que de réprimer?
Parce qu'Hugo ne se contente pas de dénoncer l'atrocité et l'absurdité de la peine de mort : c'est la société tout entière qui pèche. Et c'est parce que les hommes ne sont pas éclairés, éduqués, alphabétisés, parce qu'on ne leur donne pas la chance d'être acteurs de leur vie.
La prose de Victor Hugo est comme toujours redoutablement efficace, simple en apparence mais au plus juste, émouvante et percutante. Deux petits extraits :
"L'entêtement sans l'intelligence, c'est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge. Cela va loin. En général, quand une catastrophe privée ou publique s'est écroulée sur nous, si nous examinons, d'après les décombres qui en gisent à terre, de quelle façon elle s'est échafaudée, nous trouvons presque toujours qu'elle a été aveuglément construite par un homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et qui s'admirait. Il y a par le monde beaucoup de ces petites fatalités têtues qui se croient des providences."
"Cette tête de l'homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n'aurez pas besoin de la couper."
Un indispensable que nous devrions - devons! - tous lire.
Les avis d'Ellcrys, Leiloona, Petitmouton.