Clara et la pénombre de José Carlos Somoza

La représentation des corps ne fait plus recette au sein du marché de l'art, qui cote désormais des toiles humaines. Signées par de grands maîtres, elles sont louées, vendues, manipulées, livrées à tous les regards, à tous les fantasmes. Clara est modèle. Elle rêve d'être peinte par le dieu de l'art hyperdramatique : Bruno Van Tysch. Mais, tandis que la jeune toile est apprêtée dans un pavillon isolé des abords d'Amsterdam, la Fondation Van Tysch est en émoi. Une œuvre de grande valeur a été dérobée et détruite par un mystérieux meurtrier qui officie suivant des rites affreusement artistiques.
A la manière de Rembrandt, José Carlos Somoza dépeint de violents clairs-obscurs. Les déviances de l'art font écho aux dérives de nos sociétés, et les contrastes de ce magistral jeu de lumière conduisent chacun à mesurer le prix du beau à l'aune de la valeur du vivant.
Voilà un roman original et dérangeant... serait-ce la patte de l'auteur, comme j'ai pu le lire çà ou là?
Cette idée de toiles humaines a quelque chose de fascinant. Si elle devenait réalité (et je me demande si c'est si farfelu que ça), elle remettrait en cause notre vision de l'art, mais aussi de l'éthique et des limites qu'on peut et doit poser. Après la télé-réalité et les caméras de surveillance un peu partout qui donnent vie aux idées glaçantes de 1984, pourquoi penser qu'un tel changement dans le monde artistique ne pourrait survenir...
C'est donc un roman unique en son genre (en tout cas pour ce que j'ai pu lire), bien écrit, avec un univers riche et plutôt captivant ; maintenant, même si le genre est indéfinissable, on est quand même assez proche du thriller, et ce n'est certes pas l'enquête policière qui m'a bluffée.
Ravie de ma lecture, mais j'ai tout de même préféré La caverne des idées.