Au Bon Roman de Laurence Cossé
Un fou de Stendhal est abandonné en forêt. Une très jolie blonde quitte brusquement une route qu'elle connaît comme sa poche. Un Breton sans histoire rencontre au bord d'une falaise deux inconnus inquiétants. Nous ne sommes pourtant pas dans un roman policier. Les agresseurs ne sont ni des agents secrets ni des trafiquants. Ils ne s'attaquent qu'à des tendres : un ancien routard devenu libraire, une mécène mélancolique, des romanciers...
Qui, parmi les passionnés de lecture, n'a rêvé un jour que s'ouvre la librairie idéale ? Une librairie vouée au roman où ne seraient proposés que des chefs-d'œuvre ? En se lançant dans l'aventure, Ivan et Francesca se doutaient bien que l'affaire ne serait pas simple. Comment, sur quels critères, allaient-ils faire le choix des livres retenus ? Parviendraient-ils un jour à l'équilibre financier ? Mais ce qu'ils n'avaient pas prévu, c'était le succès.
Tout commence comme dans un roman policier. Trois personnages, qui ne se connaissent visiblement pas, sont tous les trois agressés. Leur point commun : ils semblent tous liés d'une façon ou d'une autre à la littérature...
On découvre ensuite le pari fou mais délicieusement beau de Van et Francesca : ouvrir une librairie où il n'y aurait que des bons romans. Van apporte son expérience de libraire passionné et Francesca met l'argent sur la table. Car, comme elle le dit si bien : "j'ai une image désastreuse. La femme riche, en France, est considérée comme inculte et tarte. J'en sais quelque chose. Si au moins j'étais de gauche, ce serait différent. Notoirement de gauche. Ou morte, évidemment : à ce moment-là, tout change, on devient la "célèbre mécène", "la grande amie des arts"".
La notion de "bon roman" est évidemment très subjective. La partie de moi qui aime à lire des romans faciles et populaires s'est un peu offusquée, par moments. Un des personnages dit cependant cette phrase finalement juste : "traiter les livres médiocres à l'égal des bons, et tout offrir comme si tout se valait, a beaucoup à voir avec le mépris, car c'est de la démagogie". Mais on en revient toujours à la question : qu'est-ce qu'on bon roman?
Cela dit j'ai tout au long de ma lecture été séduite par cet amour de la littérature, qui transpire à toutes les pages. C'est truffé de belles phrases exaltées, certes un peu attendues et dont on sait qu'elles séduiront sans peine les amoureux des livres, mais on se laisse attraper de très bon gré!
J'ai aimé voir cités certains endroits connus, comme Shakespeare & co, ou le restau tibétain de la rue des Fossés-Saint-Jacques ;et Yassin, l'intellectuel irakien féru de poésie médiévale m'a fait penser à mon voisin lorsque j'habitais la capitale. C'était un intellectuel iranien, professeur de viole traditionnelle, zoroastrien pratiquant et tellement fou de ses instruments que, son chez-lui ne faisant que 12m², il avait troqué son lit contre un tapis pour éviter d'avoir à sacrifier aucun de ses bébés à cordes. Bref, je m'égare...
J'ai aimé également découvrir tout un tas d'auteurs jusque là inconnus, ou en tout cas pas encore lus, qui sont ici évoqués avec une telle flamme que je me dois d'en découvrir au moins quelques-uns (Praline a eu la délicieuse idée d'en faire la liste ici, et de lancer un challenge autour de ces livres).
Je fais donc partie de ceux et celles qui ont énormément aimé ce livre ; je l'ai lu avec un énorme plaisir, et en le dévorant jusqu'à la dernière page. La seule chose qui m'a déplue est ce changement de narrateur à la fin du roman, je ne vois pas ce que c'était censé apporter, d'autant qu'on devine très bien de qui il s'agit.
Quelques petits passages qui m'ont interpellée :
"De toutes les fonctions de la littérature, vous me confirmez qu'une des plus heureuses et de faire se reconnaître et se parler des gens faits pour s'entendre".
"Mon grand-père m'a laissé bien davantage, la passion de la littérature, et quelque chose en plus, de fondamental, la conviction que la littérature est importante. Il en parlait souvent. La littérature est source de plaisir, disait-il, c'est une des rares joies inépuisables, mais pas seulement. Il ne faut pas la dissocier de la réalité. Tout y est. C'est pourquoi je n'emploie jamais le mot fiction. Toutes les subtilités de la vie sont la matière des livres. Il insistait : Tu notes bien que je parle du roman ? Il n'y a pas que les situations d'exception, dans les romans, les choix de vie ou de mort, les grandes épreuves, il y a aussi les difficultés ordinaires, les tentations, les déceptions banales ; et en réponse, toutes les attitudes humaines, tous les comportements, des plus beaux aux plus misérables. Lisant cela, on se demande : Et moi, qu'est ce que j'aurais fait ? Il faut se le demander. Écoute-moi bien : c'est une façon d'apprendre à vivre. Des adultes vont te dire que non, que la littérature n'est pas la vie, que les romans n'enseignent rien. Ils auront tort. La littérature informe, elle instruit, elle entraîne."
"Avoir des livres en quantité est merveilleux : encore faut-il les lire. J'imagine assez bien que les amis du Bon Roman ont beaucoup acheté ces derniers mois, dans l'enthousiasme de la découverte et la joie de l'engagement, qu'ils ont un peu de mal à se frayer un chemin jusqu'à leur lit, entre les livres, et qu'ils font une pause, histoire de rassurer leur conjoint".
Les billets d'Amanda, Armande, Bladelor, Cathulu, Chiffonnette, Choco, Clarabel, Cuné, Doriane, Ellcrys, Fashion, Freude, Gambadou, Karine, Keisha, Leiloona, Lilly, Praline...