Mémoires d'une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir
Ci-dessus la 4e de couverture de la dernière édition poche des Mémoires d'une jeune fille rangée, qui vous donne un petit aperçu du style du roman et de l'auteur.
Lycéenne, je ne connaissais Simone de Beauvoir que de nom, et seulement comme "chérie de Sartre" : je m'en faisais donc une idée tout simple : ce devait être une femme très intelligente mais pas forcément très agréable à lire, trop absconse. Un peu plus tard, à vingt ans, je me retrouve à devoir passer toute une soirée seule à Vienne, dans l'appart d'une amie sans télé ni ordinateur, et je n'avais pas de livres sur moi (ô drame!). Je me suis donc permis de tuer mon ennui en empruntant l'un des rares romans noyés au milieu des bouquins de fac... C'était Tous les hommes sont mortels, de Simone de Beauvoir, donc. Quel merveilleux souvenir que celui de cette soirée! Moi qui croyais devoir tuer le temps, je me suis couchée au milieu de la nuit pour finir ce roman captivant.
Ca fait donc cinq ans que me trotte dans la tête l'idée de lire une oeuvre un peu plus marquante de la dame... Le deuxième sexe, moui... pourquoi pas... Mais les Mémoires m'intéressaient davantage : connaître un peu la personne avant de découvrir la théoricienne. Et puis je les ai trouvées un jour à 2€, alors!
On suit donc la vie de Simone de Beauvoir de sa plus petite enfance (trois ans environ) à la vingtaine, la période de la rencontre avec Sartre. C'est passionnant, on en apprend beaucoup sur le milieu où elle a grandi et sur cette époque (les années 10 et 20, à peu près). Mais c'est surtout l'apprentissage de la jeune fille qui est intéressant, la construction de sa personnalité. Dès son plus jeune âge, elle a une assez haute opinion d'elle-même, tout en n'hésitant pas à mettre ses faiblesses à nu. Tout le livre navigue sur cette sorte d'antithèse : de la prétention, de l'arrogance, combinée à de la sincérité, une solitude et une souffrance de ne pas se sentir comprise ni vraiment acceptée. On découvre ses joies, ses déceptions, ses hontes, ses découvertes, ses idées qui évoluent, sa personnalité qui se forge... Et tout ces gens qu'elle a connus, en si peu d'années... J'ai été frappée aussi par la modernité de ses idées et leur affranchissement ; comment peut-on être amené à penser si différemment de ses parents, de son entourage, quand on n'a jamais eu l'occasion de découvrir autre chose? Et de sentir pourtant comme on reste marqué, indéniablement, par les idées de milieu qu'on rejette...
J'ajouterai simplement que ces Mémoires, outre qu'elles sont fort intéressantes, sont écrites dans un style qui me séduit : suffisamment simple pour qu'on ne se prenne pas la tête à deux mains pour relire chaque phrase trois fois, et suffisamment enlevé pour qu'on sente le talent de l'écrivain qui manie la langue plus qu'agréablement.